Il y a quelques années alors que je visitai un centre Zen j'eus une conversation avec un étudiant au sujet de la nécessité de la souffrance. Il n'en voyait pas la nécessité. " Je suis heureux " dit-il " et je suis le Zen depuis très longtemps. " Je voyais qu'il était jeune et que ce qu'il appelait très longtemps n'était pas aussi long pour la plupart des standards. " Bien " lui dis-je, essayant de ne pas être trop décourageant, " Vous pouvez être engager dans le Zen tant que vous voulez, mais vous n'en aurez besoin réellement que lorsque vous aurez besoin du soulagement de la souffrance. "
La souffrance est intégrée au Sentier du Zen. C'est en fait, une de ses conditions. Le Zen n'est pas un sentier facile et nous devons être hautement motivés pour pouvoir le parcourir. Pour la physique tout comme pour le Zen, chaque action a une réaction égale et opposée. Aucun être humain ne veut souffrir. Tous désirent la fin des douleurs. C'est justement la souffrance et ses fins qui nourrissent une personne de l'impulsion nécessaire pour se mettre à suivre le sentier. C'est aussi la mémoire de la souffrance avec le désir de l'éviter et ne plus en créer qui retient cette personne sur le sentier... et ce jusqu'à ce qu' évidemment, il reçoive la grande récompense, la paix et la joie illuminées, l'opposé en contrepartie de l'angoisse et de la douleur.
Le Bouddhisme commence avec la souffrance. Les Quatre Nobles Vérités ne sont pas des notes dans les archives de la littérature du Bouddhisme : elles sont le cœur de la pensée et de la pratique Bouddhiste. Nous nous retournons vers la religion parce que nous avons besoin d'être libérés de la souffrance.
La Première Vérité reconnaît que nous ne sommes pas seuls dans notre cause ; que de vivre dans le monde matériel est souffrir. La Seconde Vérité nous dit que, ce sont tous nos désirs et les satisfactions de notre ego qui nous causent tant d'angoisse. Et la Troisième Vérité nous rassure ; qu'il y a une solution à notre problème.
Mais le jeune homme avec qui je parlais ce jour-là n'était pas d'accord avec tout cela. Il insistait, soutenant que le mot " dukkha " avait été improprement traduit en tant que souffrance. Que dukkha signifiait simplement " mécontentement " ou " mal à l'aise " et cela dit-il, était loin d'être une lamentation de souffrance.
" Le mécontentement dans notre vie sociale peut nous conduire à une sangha " dis-je, " le mal à l'aise de ne pas avoir un guide moral peut vous amener aux préceptes et aux écritures. Nous pouvons rejoindre des groupes religieux et entrer ensuite dans une sorte de concours moral avec d'autres membres. Nous pouvons faire de bonnes actions, de meilleures actions ou encore les meilleures des actions. Mais le Zen est plus profond que l'étude, la camaraderie ou la philanthropie. Le Zen est le Salut de la souffrance." Je ne le convainquais pas pour autant.
Quelques années plus tard il m'appelait et j'acceptais de le rencontrer et de reparler. Il était un homme changé. Il avait découvert la souffrance. Peu de temps après notre premier entretien, il avait rencontré une jeune fille et s'était marié. Pour lui faire plaisir il changea de religion en adoptant la sienne. Apres la naissance de leur bébé, une petite fille, sa femme commença à souffrir de dépression post-partum et se trouva dans l'incapacité de pouvoir donner les soins adéquats à son bébé, elle attribua à son mari des tas de reproches sur tous points de vue.
Sa femme, fortement médicamentée, rechercha le divorce. Lui rechercha consolation dans divers bars, en compagnies des amis des bars. " Vous ne pouvez vous imaginer combien je suis en peine " me dit-il ouvertement en pleurant. " Je ne sais que faire. N'importe ce que je fais semble être une erreur. Je continue à me demander ce que j'ai fais pour me retrouver dans une situation pareille. Serait-ce du mauvais karma ? Tout cela est-il parce que j'ai abandonné le Zen ? "
Je lui répondit que puisqu'il n'avait jamais réellement souffert auparavant, il n'avait réellement pas pratiqué le Zen non plus. " Vous ne pouvez quitter ce que vous n'avez pas pénétré " lui dis-je. Mais à présent, il était prêt à entrer le Zen. Il avait souffert. Sa fierté avait disparue. Il s'interrogeait pour voir la source de ses problèmes. Il se regardait pour se reprocher et ceci était très important. Ce sont nos désirs qui nous causent de la peine et non pas les désirs des autres. Je lui dis qu'il devait mettre chaque chose à sa place. " Ne restez pas assis passivement regardant votre respiration. Faites la Respiration qui Guérit et faites-la pour envisager tout ce que vous avez. Asseyez-vous et examinez votre routine journalière. Considérez vos habitudes et les choses que vous faites pour essayer de soulager vos problèmes. Celles-ci font partie du problème. Si vous fumez ou buvez, pleurez ou vous plaignez à votre famille ou aux amis, arrêtez de faire cela. Devenez solitaire. Exercez -vous. Adoptez un régime strictement végétarien. Concentrez-vous sur votre santé, votre calme et le contrôle de vous-même. Vous ne pouvez être utile à personne tant que vous êtes sous tension. " Je lui dis de trouver un nouvel emploi, n'importe quel emploi honnête et de s'en tenir à un budget serré. " Parez-vous de vos désirs au minimum. " Il me regarda d'une manière étrange. Il n'avait jamais entendu auparavant une telle description du Sentier du Zen. " Voyons si j'ai tout bien retenu " dit-il " Vous voulez que je m'arrête de fumer, que je m'arrête de boire, que je m'arrête de manger des mets prêts, que je m'arrête de parler à ma famille et aux amis et de prendre n'importe quel travail qui se présente tant que celui-ci soit légitime. " Il me regarda railleur. " Et cela est Zen ? "
" Cela est la vie " lui répondis-je. " La vie, qui par rapport au Noble Sentier Octuple est la Quatrième Noble Vérité. La vie signifie la Vie, ce qui signifie que c'est l'opposé de la mort. Si vous voulez vivre dans l'Esprit, vous devez d'abord survivre.
Le Zen demande de se re-inventer.
Je lui suggérai de visiter notre site et de lire un petit essai du Révérend Yin Zhao Shakya. " Yin Zhao illumine l'état d'esprit que nous devons posséder de façon à pénétrer le Zen en nous rappelant la fable d'Esope, 'Le Chien et le Lièvre.' Il était une fois un chien affamé qui donnait la chasse à un lièvre mais le lièvre lui échappa et les amis du chien se moquèrent de lui. " Pourquoi ce lièvre a t'il été capable de te devancer ?' Demandèrent les amis du chien. Le chien répondit : ' Je ne courrais que pour mon repas, mais le lièvre lui, courrait pour sa vie.' Pour commencer le Zen, nous devons courir pour notre vie. "
Evidemment, le cours des actions du lièvre est facile, comparé au nôtre. Tout ce qu'il a à faire est courir vite dans n'importe quelle direction pour s'éloigner du chien. Il sait que le chien est sa mort. Mais notre cours n'est pas si évident. Lorsque notre vie tombe en lambeau, souvent nous ne savons pas dans quelle direction nous tourner, spécialement lorsque nous ressentons la panique du besoin de nous échapper.
Si ce n'était que le " seul désir du chien " qui nous poursuivrait, ce serait une affaire bien simple. Mais nos désirs sont comme une horde de chiens qui nous approche provenant de différentes directions.
C'est facile de s'asseoir sur un coussin et de dissiper les pensées. Ce n'est pas facile de s'arrêter de fumer ou de s'arrêter d'envier quelqu'un qui a un meilleur travail et une meilleure paie ou de rester seul et manger des légumes et du fromage blanc tandis que nos amis descendent des hamburgers et des frites, ou de boire du soda au lieu de la bière ou encore d'arrêter de désirer la femme de son frère. Le plus dur pourtant est de devenir honnête et spécialement de cesser de dire des mensonges à soi-même.
Si nous observons notre vie objectivement, nous pouvons retrouver la trace de nos problèmes dans la violation de base des Préceptes. Lorsque nous corrigeons ces problèmes, un à la fois, nous obtenons le contrôle de nous-même et pouvons ensuite commencer à transformer notre vie et lutter pour l'illumination.
C'est ça la vraie recherche du Zen. Commencer cette recherche demande une honnêteté brutale, une honnêteté de force égale et opposée aux mensonges que nous nous disons dans le samsara. " La souffrance " dit Jean Charles Sismondi, " est le moyen le plus certain de devenir vrai envers nous-même. " Et être vrai à soi-même est le point de départ essentiel pour la transformation.